Un présent pour une dame.
Bonjour, bonsoir, amis lecteurs. Installez-vous confortablement, prenez une tasse de thé, et savourez ce délicieux arôme pendant que je vous conte l'incroyable aventure de notre grand-mère préférée. Une aventure ? Que dis-je, une épopée à la conquête de l'amour ! Oh, détrompez-vous. Il ne s'agit pas d'une romance entre la vieille folle et un bellâtre quelconque, disons plutôt que la mémé serai le messager, le Cupidon, petites ailes, couche -ce qui est assez proche de la réalité dans cette description imagée- , arc brandit qui enverrait une flèche pour lier ces deux cœurs... Si tout se passait comme prévu, mais comme vous vous en doutez déjà, rien n'est aussi simple, surtout quand il s'agit d'une histoire sur Petrushka qui, avouons-le, n'est pas la plus facile à vivre.
Toute cette histoire commença non loin de la grande et belle académie de Calion, qui respirait la nouveauté et la fraîcheur contrairement à une certaine personne. Cette même personne s'était enterrée dans un trou aux abords de la forêt d'Anekku, ni trop proche de l'académie, ni trop loin, car sachez le, même si la vieille avait pratiquement perdu son odorat, sa vue était toujours infaillible. Elle s'était planquée, cachée par des arbres et des feuillages dans un trou qu'elle avait creusé il y a de ça trois jours. Sa mission ? Elle ne s'en souvenait plus, mais elle était persuadé que son adorable capitaine Woon Kuraken lui avait demandé de surveiller cette académie de plus près, peut-être même de prendre en filature l'un de ses étudiants. Mais, avec son grand âge, elle ne savait plus lequel, ni la nature exacte de ce qu'elle devait faire. Sachez, chers lecteurs, que la vieille n'avait strictement rien à faire ici, et que tout cela n'était que l'un de ses nombreux délires qu'elle avait eu depuis qu'elle avait commencé à perdre la tête. Mais ça, je vous en parlerai plus profondément dans une autre histoire de notre mamie gâteuse ! Donc, en parlant de profond, revenons à ce trou et à notre histoire actuelle.
Petrushka était là, immobile, les yeux fixés sur l'école, depuis plusieurs jours. Elle s'alimentait de vers et autres insectes qui passaient par là, et ne quittait sa planque que pour déféquer dans une fosse qu'elle avait creusé un peu plus loin, ou pour recharger sa gourde en eau dans un ruisseau, elle détestait d'ailleurs aller remplir sa bouteille car, selon elle, c'était une perte d'attention considérable. Qui disait remplir sa bouteille signifiait sortir de son trou, boire, puis avoir envie d'uriner, donc sortir à nouveau de son trou, aller uriner, car elle se refusait d'uriner à sa place habituelle uniquement par peur de mouiller la terre qui l'entourait et perdre en stabilité. Mamie devait donc se déplacer dans sa fosse à rejet pour évacuer tout ce qui sortait d'elle, sauf sa transpiration qui lui collait à la peau mais qui ne faisait que s'accorder aux différentes odeurs qui émanaient déjà de cette folle.
Et bien, il y avait un autre moment où elle se devait de quitter l'académie des yeux, et c'était au moment de dormir. Elle s'accordait très peu de répit, juste des siestes fugaces, le temps de reposer ses yeux pour ne pas qu'ils lui piquent et l'empêchent de voir ce qui devait être vu et rapporté à son capitaine. Heureusement, la forêt était très calme, ce qui lui permettait de dormir profondément sans interruption, et par conséquent de réduire son temps de sommeil puisqu'elle dormait mieux. C'était un moment très important pour elle, car vous l'avait compris, mieux celui-ci se passait, plus performantes seraient ses compétences d'espionnage.
Ce matin-là, après avoir veillée la nuit où il ne s'était rien passé d'inhabituel, Petrushka décida donc d'entrer en phase de sommeil. Elle recouvrit son trou de feuillages et brindilles tout en rentrant sa tête dans celui-ci, et referma du mieux qu'elle put sa planque à l'aide de tout ce qu'elle trouva ainsi que de terre, tout en laissant une très fine ouverture pour ne pas mourir asphyxiée. Elle maîtrisait parfaitement l'art de se camoufler dans la terre, après tout, elle avait vécu des années de cette façon et trouvait ça plutôt agréable bien que depuis qu'elle était devenu pirate, elle avait très peu d'occasions de se retrouver dans cette situation solitaire. Planquée, dans une position fœtale, blottit contre son bâton qu'elle ne lâchait presque jamais et compressée dans son trou étroit, elle commença sa sieste. Elle commença, seulement, car à peine était-elle partie aux pays des songes, entendant les vagues d'un océan imaginaire remuer dans son inconscient, qu'un gamin la réveilla brusquement avec ses lamentations. Non mais, pour qui se prenait-il pour venir ainsi sur le territoire de la grand-mère ? En écoutant sa voix plaintive qu'il était difficile d'ignorer, Petrushka pensa qu'il s'agissait sûrement un élève de la dite académie, et de surcroît peut-être celui qu'elle devait filer. En analysant ses pas et le son de sa voix, l'espionne pu déterminer que celui-ci ne se trouvait qu'à quelques pas de sa cachette. Il ne s'agissait que d'un gosse qui ne savait pas s'y prendre avec sa bien-aimée, rien à voir avec une mission susceptible d'être confiée par le grand Kuraken. Oui, mais le problème, c'est qu'il allait finir par attirer du monde de ce côté-ci de l'académie à force de se plaindre avec autant de ferveur, et faire venir tant d'autres … indésirables... Non. Petrushka ne pouvait pas prendre le risque de se faire attraper par quiconque avant d'avoir trouver sa cible ou d'avoir recueillit assez d'informations pour satisfaire son chef. Même si elle ne se souvenait plus de la nature exacte de ce qu'elle était venu faire de ce côté-ci du continent, il était hors de question qu'elle reparte bredouille sans avoir accompli ce pourquoi elle était venu. Alors, tout en soupirant, elle donna quelques coups de bâtons discrets pour ouvrir à nouveau ce trou qu'elle avait bouché même pas trente minutes auparavant et sorti sa tête pleine de terre le plus naturellement possible. Ainsi, il y avait juste une tête d'une vieille femme, dégoutante, ses cheveux fins et gras plaqués contre son maigre visage, qui dépassait de sa planque. Elle pu apercevoir la silhouette de dos du garçon amoureux qui continuait à déblatérer toutes sortes de mièvreries infectes à l'encontre de sa chère et tendre qui, apparemment, ignorait qu'elle était tant aimé.
La tête sortante qui ressemblait plutôt à un membre d'un cadavre enterré se mit à prendre la parole en s'adressant au gamin.
- Un lâche pareil, pas étonnant qu'elle ne veuille pas de toi, ta poussine.Sans doute s'était-il retourné au même moment, car la vieille enchérit de nouveau de plus belle dans toute sa délicatesse qu'on lui connait bien à ce jour.
- Oh, évidemment que ça ne doit pas être facile de faire la cour avec une façade aussi laide. C'est sûr que dans cette situation désespérée, tu aurais bien besoin d'un coup de pouce pour réussir à faire sa conquête. Petrushka ne sais pas si une simple fleur réussira à ratrapper le tableau, mais tu peux toujours essayer. Heureusement que tu es tombée sur Petrushka. Petrushka va t'aider à trouver ton bouquet pour que tu puisse aller te déclarer en bonne et due forme, si en échange tu débarrasse le plancher en promettant de ne jamais parler de ce que tu as pu voir de ce côté de l'académie. Là ou Petrushka travaille, on appelle ça « un prêté pour un rendu », même si la plupart du temps on utilise cette expression quand on donne des coups. Et voilà que mamie se mettait à lui faire la causette. Cela devait déjà être très bizarre de voir une tête sale et puante parler au sol, mais il se trouvait que cette même tête était une vraie pipelette. Le pauvre bougre devait déjà regretter d'être parti se plaindre de ce côté de Calion. Mais, dans l'esprit de la folle-dingue, il était IMPENSABLE de le laisser partir, car il pouvait dévoiler des informations sur son identité et sa position. Il fallait donc l'amadouer, et elle n'avait d'autre choix que de le caresser dans le sens du poil et... Bon, cette formulation n'est peut-être pas la plus adaptée à cette situation, mais vous avez comprit l'idée ! La vieille ne faisait pas ça de gaîté de cœur, mais pour se le mettre dans la poche -je ne voudrais jamais être dans la poche de cette momie, et pas sûr que ce grand gaillard y entre, mais c'est une image voyons!-, acheter son silence.
- Tout ça pour dire, Petrushka s'y connaît en plantes. Petrushka trouve, le jeunot ramène à sa belle, et ils vécurent heureux et donnèrent naissances à pleins de petits lâches. Et tout le monde oublie Petrushka, car il est plus agréable de savoir que le héros a été cueillir seul la salade de fleurs de sa douce, n'est-ce pas ?Comment lui dire qu'il est difficile d'oublier une tête qui est apparut de nul part et qui insulte le premier venu en mal d'amour ? Oh, c'est sans importance...