ft. Zero
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Corrin se redressa lentement sur un genou, en portant les mains à ses tempes. Elle avait un sérieux mal de tête, et se sentait perdue au possible. Elle avait la sensation que quelque chose d’anormal venait de se produire, mais quoi ?
Quelqu’un l'interpella soudainement, et la jeune femme sursauta en entendant cette voix inconnue. D’autant plus confuse, elle releva le regard… Pour se rendre compte qu’elle n’était plus du tout dans le palais de Valla. Sauf si celui-ci s’était soudainement transformé en une vaste plaine longée par une forêt.
Les prunelles carmines de Corrin analysèrent ne tardèrent à s’écarquiller alors qu’elle se rendait compte de sa position actuelle : un genou à terre, alors qu’elle était encerclée par plusieurs soldats, chacun se tenant à trois ou quatre mètres d’elle tout en la menaçant avec leurs armes.
- "Qu’est-ce que…"
Perdue, la jeune femme posa son regard sur le seul homme n’ayant pas sortit son arme, et que se trouvait face à elle. Au vu de son regard, c’était lui qui l’avait interpellée, et il attendait manifestement une réponse.
Dans un geste inconscient, Corrin leva une main pour la poser sur le côté droit de son cou, où quelques écailles blanches commençaient lentement mais sûrement à se matérialiser. Une certaine panique et une certaine peur l’envahissaient peu à peu, alors qu’elle tentait - en vain - de comprendre ce qu’il s’était passé. Si l’envie de poser des questions la titillait, elle ne prit pas la parole : au vu des armes pointées vers elle, garder le silence était peut-être la meilleure chose à faire… ou pas.
En effet, celui qui lui faisait face - un gradé de l’armée, si elle se fiait à son allure - sembla s’impatienter un peu, alors qu’il lançait :
- "Je t’ai demandé ton nom. Es-tu sourde ?"
Corrin le fixa un instant, avant que son regard ne dévie sur les armes pointées vers elle. Elle sentait de nouvelles écailles apparaître peu à peu sur sa peau, à mesure que son affolement grandissait.
Elle ne comprenait pas ce qu’elle faisait là, ni-même pourquoi elle était menacée ainsi. Avait-elle fait quelque chose de mal, dont elle aurait oublié le souvenir ?
- "Je…"
Son mal de crâne précédent céda place à une sensation de vertige, et Corrin serra fébrilement le poing autour de son collier, tentant de se calmer comme elle le pouvait. Malheureusement, le contact d’ordinaire apaisant de la pierre n’eu guère d’effet tant confusion, peur et affolement se mêlaient en elle, et un long grondement s’éleva finalement dans sa poitrine.
Elle entendit vaguement l’homme lui demander à quoi elle jouait… Avant que tout ne devienne noir.
Des flammes d’un noir d’encre entourèrent la jeune femme l’espace d’une seconde, avant de se dissiper… Sauf que ce n’était non plus la jeune reine qui se tenait là, mais une dragonne noire et blanche, qui ne tarda pas à se cabrer, obligeant les soldats l’entourant à reculer.
Le regard reptilien de la dragonne se posa sur celui qui semblait diriger les soldats, mais elle ne fit pas mine de l’attaquer. Au lieu de cela, elle l’observa un instant, avant de déployer ses ailes : elle comptait manifestement prendre son envol.
La saurienne entendit l’homme pester, avant qu’il ne crie quelque chose à ses hommes. Venait-il de parler de filets ?
La dragonne ne tarda pas à le savoir, car alors qu’elle allait décoller, deux Wyverns la survolèrent, et leurs cavaliers laissèrent un grand filet plombé lui tomber dessus.
Retombant momentanément au sol à cause du poids de celui-ci, la saurienne grogna brièvement, avant qu’un souffle de flammes noires ne franchissent ses mâchoires entrouvertes. Lesdites flammes ne mirent que quelques instants à se propager le long des mailles du filet, brûlant ceux-ci en laissant la dragonne indemne.
Cette dernière se redressa pleinement une fois libérée, et bougea rapidement, sa queue fouettant l’air afin de faucher les jambes d’un soldat qui s’était rapproché un peu trop près. La dragonne se tourna ensuite vers lui en sifflant, obligeant l’un de ses frères d’armes à le faire reculer en le tenant par sa tunique, et elle se retrouva confrontée à une nouvelle mer de lances.
Grognant, la saurienne déploya ses ailes à nouveau. Elle aurait pu les carboniser complètement, jusqu’au dernier. Pourtant, une part d’elle l’en empêchait, et cela la frustrait. Ces hommes la menaçaient, et elle n’avait pas le droit de riposter ? Quelle ironie.
La dragonne entendit de nouveau cris alors qu’elle se cabrait à nouveau, prête à s’élancer vers le ciel, loin de ces menaces qu’elle ne pouvait combattre. Une part d’elle s’alarma en entendant parler de flèches, mais elle n’eu pas le temps de réagir.
Elle entendit le claquement de la corde des arcs, suivit de sifflements dans l’air, et une vive douleur ne tarda pas à se propager dans la membrane fine de ses ailes. Ces dernières avaient été percées, nullement faites pour résister à la pluie de projectiles qui s’abattit sur elle.
Mais ce n’est pas ce qui la fit rugir de rage et de douleur. En effet, si la plupart des flèches n’atteignant pas ses ailes ricochèrent contre ses solides écailles, l’un des projectiles finit par se planter dans son corps, à la jointure entre son aile droite et son épaule.
Une nouvelle douleur se propagea en elle, et la saurienne rugit avant de cracher une rafale de flammes en direction de ces hommes qui osaient l’attaquer ainsi. Pourtant, malgré la douleur, cette part d’elle refusa une nouvelle fois de les blesser, et les flammes ne touchèrent que le sol à leurs pieds.
Grognant de douleur, la dragonne laissa ses ailes désormais inutiles et ensanglantées retomber au sol, sans chercher à les replier. Elle se redressa malgré tout, repliant son long corps et bandant ses muscles dans une posture défensive - comme un serpent prêt à frapper - alors que son regard écarlate semblait défier les hommes de s’approcher.
La saurienne avait beau être blessée, elle ne se laisserait pas faire ainsi. Elle ne comprenait pas ce qu’ils lui voulaient, mais si elle devait les brûler jusqu’au dernier pour s’en tirer, elle le ferait.
Et ce, que cette part d’elle le veuille ou non.