Rencontre entre brochettes et barbecue ft Utsuro
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Nael, région de Zabcia, Grottes de Chugo, 19ème jour de la Lune du Serpent Taciturne, an 1048
« Déjà un an… »
L’humidité familière des grottes lui rappelait inévitablement le déroulement de sa vie, spectacle dont il avait été simple spectateur à de nombreuses reprises. Il le savait et désirait changer en cela plus qu’en toute autre chose. Il voulait être le seul et unique acteur de sa vie. Des objectifs, des désirs… Tout ça allait lui permettre d’y arriver, il n’avait aucun doute.
Son père adoptif, l’ancien chef de la pègre sévissant à Yrsaïl, avait énormément de défauts… Mais ce qui avait séduit le jeune garçon qu’il était à cette époque, ce n’était pas son affection… Non, il n’était pas le genre de gamin qui en réclamait. Mais… Sa passion.
Flash-Back :
La chaleur était atroce… Mais il devait inévitablement se protéger du soleil pour ne pas tourner de l’œil, c’était ce qu’une femme lui avait expliqué avant qu’il ne rentre dans le désert de Cheldis. Elle lui avait alors prêté un épais châle qu’il avait déchiré pour que chaque centimètre de peau soit couvert, séduite par la bouille du petit garçon. Il était si petit et si frêle ! Si elle-même n’avait pas ses propres soucis, elle aurait sûrement craqué pour lui et aurait tenté de l’adopter. Yulliah le savait, il savait lire le regard des gens autour de lui. Tout comme il savait déceler la haine et le dégoût, il voyait la différence avec l’affection et la compassion. Dans son entourage natal, on ne lui avait pas apprit à ressentir… Ou alors, c’était lui qui défaillait ? Toujours est-il, qu’il n’était pas encore au point. Il savait faire semblant mais de là à réellement ressentir ces sentiments…
La chaleur n’était pas la seule que le petit garçon devait combattre. Il y avait la faim. Il n’avait pas réellement mangé depuis 3 jours, il lui restait à grignoter quelques fruits secs, et un peu d’eau dans sa gourde, qui ne lui suffisait qu’à garder l’esprit clair.
Lorsqu’il sentait sa vue se brouiller, il buvait une demie gorgée. Mais même à ce train-là, il savait qu’il ne finirait pas sa traversée en vie. Il ne désespérait pas, car pour perdre espoir, il fallait en avoir. Il avait fugué de chez lui par caprice, parce qu’il sentait que sa place n’était pas là. Entre un père qui l’ignorait à cause de sa carrure chétive, et son sang mêlé, sa belle mère qui aurait aimé qu’il soit victime d’une mort accidentelle, et le reste des louveteaux qui le rejetaient sans cesse à coup de morsure et de griffes. Le petit Yulliah avait fuit tout ceci, non pas par colère, mais tout simplement parce qu’il avait comprit que cette vie-là n’avait aucun intérêt d’être vécue. Il recherchait un but, quelque chose qui le maintiendrait en vie, qui lui donnerait envie de se battre, de grandir… Mais tout ceci n’était encore qu’une vague utopie.
Alors que Yulliah commençait à ralentir, en se disant que sa vie n’aura finalement été ni longue, ni palpitante, un bruit attira son attention. Des bruits de trots… Des chevaux ?... Il n’avait encore jamais croisé de chevaux sauvages, et ce n’était clairement pas possible à la vue des conditions climatiques. Non… Il devait s’agir d’une caravane. Tout sourire, le petit Marqué soupira de soulagement lorsque la caravane fut assez proche pour que le sol en tremble et que ses oreilles bourdonnent. Il réajusta son turban sur ses oreilles poilues, sachant quelles réactions celles-ci pouvaient provoquer. Les villageois les plus démunis qu’il avait pu croiser, craignaient son côté animal. Mais en général, le comportement le plus courant était bien que sa carrure et son très jeune âge n’impressionnant pas du tout, les inconnus cherchaient plutôt à abuser de lui, lui voler le peu de choses qu’il possédait, le capturer… évidemment, il fut très rapidement repéré, et un attroupement se créa autour de lui.
À la surprise générale, il était jeune, en plein milieu de la région désertique de Cheldis...et en vie. Yulliah ne pouvait pas leur en vouloir, les enfants de son âge, il le voyait à leur manière de bouger, de se promener sans insouciance… Ils étaient des proies faciles, incapable de se débrouiller sans leurs géniteurs.
Très vite, alors que les questions fusaient de tous les côtés, un homme plu imposant par sa carrure et son charisme s’approcha et intima le silence. Il interrogea le petit Marqué sur ses origines, et c’est à cet instant que sa méfiance s’accrue. Il avait compris où ces hommes voulaient en venir. Alors, il fut le premier à porter des coups. Dégainant son précieux tome de magie noire, il invoqua les forces obscures qui semblaient veiller sur lui depuis toujours et décima le plus possible d’ennemis, au moyen d’aiguilles mortelles. Il avait créé la plus grosse quantité dont il était capable, compte tenu de son état, de son âge et de son expérience. Tous ceux qui n’avaient pas péri s’était protégés avec leur propre magie, arme, ou compétence respective. À peine la moitié en somme.
À ce jour, il s’agit du seul combat qui aura réellement donné un arrière-goût de désir de survie à Yulliah. Il n’avait pas réfléchi à cet instant, il voulait juste survivre.
Tiltet qui avait bien sûr survécut, chef de la Famille et responsable des commerces concernant le trafic d’esclaves et autres joyeusetés entre Yrsaïl, Khor et Uzuri, changea d’avis. Il n’avait plus pour idée de le vendre, ou même de le tuer en représailles pour ses hommes. Le gamin était peut-être petit et frêle, mais il était vif d’esprit, tenace et sans merci. Et il semblait intelligent, et à bout de force. Plus de magie, plus d’énergie.
Enjambant les nombreux cadavres ensanglantés, le chef s’avança vers Yulliah qui s’emblait à bout, ses jambes d’enfants toutes tremblotantes de fatigue.
« Bien, bien bien… Et si nous faisions un marché p’tit gars ?»
[…]
Fin flash-back
Que de souvenirs… ça faisait tout juste un an que son père adoptif avait été enterré. Il faut dire, le métier de Tiltet était plus que dangereux. Il côtoyait régulièrement des criminels, et se retrouvait presque quotidiennement dans des situations possiblement dangereuses au point d’en être mortelle.
« Et il aimait ça.
-Pardon ?
-… Ah...Rien du tout ! Je vous remercie madame.
-C’est moi. Soyez prudent si vous vous aventurez de ce côté-là des grottes. Pour rejoindre Chugon il faudrait aller plus dans les couloirs de ce côté-ci, des monstres sont apparu il y a peu et-
-Je vous remercie… Madame. Je suis au courant ne vous inquiétez pas. Je viens de Elsia et je cherche justement à trouver ces fameux morts-vivants.
-Oh… Je vois. Soyez prudent jeune homme. »
Après de brèves salutations, Yulliah rangea ses fioles dans son sac en bandoulière. Toujours habillé tout en noir, capuche rabattue sur ses oreilles de Ulfhedin, il avait fait un détour pour se procurer quelques breuvages réservés à ceux possédant du sang Ulfhedin. Et il connaissait l’emplacement de cette vendeuse itinérante. Après tout, il avait grandi dans ces grottes. Cette dame remarqua d’ailleurs, en le regardant partir, que son odeur ressemblait à s’y méprendre à un des leurs. Mais il y avait également quelque chose en lui qui lui disait tout le contraire.
« Étrange… »
Le petit Marqué soupira doucement, enfila correctement ses mitaines en cuir de lièvre, et releva sa capuche, hors de vue de la vieille Ulfhedin. D’après sa carte mentale, il prenait le bon chemin. Il s’éloignait du chemin de Chugon et… Il se rapprochait de quelque chose. Tous ses sens éveillés, l’une de ses mains glissant au rythme de ses pas contre la paroi directement sur sa droite, il écoutait. Et il n’entendait… Plus rien. Contrairement à ce que croyait les étrangers aux coutumes propres au peuple Ulfhedin, les Grottes Chugo étaient pleines de vie. Il y avait des lacs souterrains par endroits, des animaux, grands et petits. Il y avait de la vie… Mais là ?... Rien. Pas un croassement, pas un grognement. Tout semblait… Mort. L’atmosphère était plus fraîche, presque proche de celles des températures de Snowllia. Et la luminosité, pourtant assez claire dans les Grottes, semblait s’atténuer. Dès cet instant, il sorti lentement son tome de magie noire, toujours aux aguets.
En cette période, Lune du Serpent Taciturne, ses capacités était décuplées. À croire qu’il avait tout calculé.
« … ! »
Un bruit. Un bruit… de pas ? Il était encore loin, alors il ne pouvait pas bien analyser ce qu’il percevait. Le cœur battant, Yulliah accéléra le pas, impatient de tomber sur ses proies. Peut-être qu’il se trompait. Mais si ce n’était pas le cas, il avait bien l’intention de s’occuper personnellement du Mort-Vivant. Oh, et de récupérer la récompense.
Halloween