« Mamie refuse qu'on touche à son trou !»
Mes plus plates excuses pour ce titre qui, selon son interprétation, est susceptible de donner des cauchemars. Ce n'est pas ce que vous croyez, tout ceci n'est que méprise. Laissez-moi, votre apprécié narrateur, rentrer au cœur de cette histoire qui se déroula aux portes de Calion, la grande académie d'Uxynael. Quand je dis « aux portes », ce n'était pas vraiment à l'entrée, mais non loin de là, autour des grands murs érigés.
Petrushka avait quitté Khor il y a de cela plusieurs jours, pour traverser le grand désert de Cheldis. Elle avait laissé ses grosses fourrures dans la ville portuaire pour arborer un style plus léger afin de supporter la chaleur étouffante qui s'abattait sur les sables en pleine journée, mais son habit de peau lui permettait tout de même de supporter la nuit glaciale dans ses contrées. Il la recouvrait presque entièrement afin de lui éviter toutes brûlures ou insolation. Elle portait également un sac bien remplit avec tout le matériel nécessaire pour son périple. Évidemment, elle ne l'avait pas entreprit seule au départ : elle était partie de Khor avec deux compagnons, bien plus jeunes qu'elle, et avec un grand sens du devoir. Quand mamie avait annoncée qu'elle quittait la ville pour se rendre à Astria pour y rencontrer l'auteur d'un livre de légendes parce que, je cite « Son torchon, là, c'est un ramassis de conneries ! Petrushka va de ce pas le trouver pour lui dire ce qu'elle en pense. C'est une honte de laisser un tel ouvrage raconter des sornettes pareilles. Petrushka y était, en ce temps-là, et ça ne s'est pas passé comme ça ! », les deux pirates vingtenaires s'étaient bien amusés de la voir ainsi et souhaitaient l'accompagner un bout de chemin -surtout parce qu'ils appréciaient la vieille dame et s'inquiétait de la laisser seule dans le désert- . Quelle livre avait-elle bien pu lire pour la mettre dans une colère noire ? Cher lecteur, il m'est impossible de vous donner ces informations, je ne voudrais pas causer la disgrâce de l'auteur qui a écrit plusieurs livres historiques et qui, apparemment, ne s'y connaissait pas tant que ça.
Les trois compères partirent donc sur les routes des sables, marchèrent un bon moment, dormirent à la belle étoile jusqu'à arriver à la taverne des Sangliers Faucheurs. De là, ils pouvaient voir au loin l'académie de Calion dont les tours s'élevaient dans le ciel. La momie n'avait qu'à suivre ce chemin pour atteindre Ama, une région bien plus accueillante ou l'octogénaire pourrait trouver facilement eau et nourriture. Rassurés, ils laissèrent la vieille folle poursuivre son chemin en lui faisant des grands signes de main alors qu'elle disparaissait tout en traînant des pieds et en les gratifiant de quelques jurons pour les remercier de s'être déplacés.
Malgré son sens de l'orientation déplorable, La Souillon n'eut qu'à suivre la route pour arriver devant l'académie toute neuve , toute belle, beaucoup moins depuis qu'un cadavre vivant approchait de son enceinte. Mais à ce moment, elle eut un petit problème. Non, je vous vois venir ! Ce n'était pas un problème d’incontinence, ça ça ne lui arrive que la nuit et puis il suffit de changer les draps et les habits. Enfin, quand on la force à le faire, parce qu'elle n'est pas plus dérangé que cela par l'odeur d'urine vous savez. Revenons à notre problème qui était un peu plus difficile à résoudre : mémé ne savait plus ce qu'elle était venue faire ici. Qu'est-ce qu'elle faisait au bord de cette énorme bâtisse ? Est-ce que son Capitaine lui avait donné une mission ? Si tel était le cas, elle ne pouvait pas partir avant de l'avoir menée à bien. Ce petit trou de mémoire était bien embêtant, mais elle ne venait pas de franchir la frontière entre les deux continents sans une raison tout à fait valable. Elle alla donc à l'orée de la forêt des astres pour se trouver de quoi manger. Oh, et il lui fallait trouver quelque part ou dormir : imaginons qu'elle soit là pour une mission ultra-secrète, si elle ne doit pas être découverte... Évidemment, Woon Kuraken était un homme censé, s'il avait besoin de quelqu'un pour passer incognito, il envoyait plutôt Sehun mais … Qui sait ce qu'il se passe dans le cerveau d'une vieille femme qui a sans doute besoin de reconnaissance ?
Elle ne tarda pas à trouver quelques fruits et un tronc d'arbre rempli d'insectes qui constituerait son repas de ce soir. Elle remplie sa gourde dans un ruisseau, tout en restant sur ses gardes. Le cadavre vivant repositionna correctement sa fourrure de sorte à ce qu'on ne distingue même plus son humanité : elle ressemblait cette fois à un être, informe, couvert de poils. Elle accrocha son bâton entre son dos et son sac à l'aide d'une corde, et sa fourrure cachait le tout. La folle se mit à quatre patte et chercha un endroit ou se cacher pour y passer la nuit. C'est non loin de l'académie, un peu caché sous les arbres, qu'elle trouva un trou. Etait-ce le terrier d'un renard ? D'un blaireau ? Peu importe, elle s'assura qu'aucun habitant ne s'y trouve en ce moment et commença à agrandir le trou afin de pouvoir s'y faufiler. Creuser. Creuser ! Debout avec sa canne, à quatre pattes avec ses mains, la vieille sorcière pourrait bientôt se glisser dans son nouveau nid douillet.
Ainsi, la grand-mère resta une semaine dans sa nouvelle planque, espionnant l'académie, les allers et venus de ceux qui s'y dirigeaient, sans savoir exactement en quoi consistait sa mission. Mais elle était prête à agir...
Credit image ; Ekaterina Kravchenko