Le Soleil dessine des Ombres sur le Sol.
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En sortant de l'arène de Calion, tu passas près de la tente des futurs compétiteurs. Tu t'y arrêtas quelques secondes pour remarquer que tous les regards étaient braqués sur toi. Un sentiment de malaise s'installa dans ton ventre, et après avoir reconnu plusieurs expressions dans les yeux des gens, tu t'éclipsas finalement dans une zone plus calme. Tu connaissais bien Calion, pour y avoir logé quelques semaines, durant les travaux. Tu n'avais pas eu la permission d'y rester des mois, puisqu'il fallait de la place, que les ouvriers étaient très occupés, tu aurais voulu donner un coup de main, mais ton père refusa catégoriquement. Se mêler aux travaux de Calion n'était pas de ton rang, et la raison moins officielle était que tu te blesses, ou pire encore. Pour préserver ta vie et ton titre de futur empereur héritier de Nael, on t'avait donc reconduit à Elsia, où tu avais joué l'enfant têtu pour pouvoir faire des allers et retours. Tu étais impatient de pouvoir terminer Calion. Le fait était que tu parvenais à jongler entre toutes tes obligations, les missions que l'on te confiait, les entraînements à répétition, la recherche d'un vassal qui couvrirait tes fesses et qui saurait te protéger de sa vie, ou encore tes visites irrégulières à Chealdroz parce qu'il était dit quelque part que tu étais propriétaire de Cheldis ... Tu n'étais pas certain de te faire à l'idée de posséder une région, une parcelle de terre, mais tu la protégeais du mieux que tu le pouvais. Dans le futur, si tout se passait comme le souhaitait ton père, tu serais à la tête d'un empire complet, un pays, des milliers de personnes. Tu posas la main sur ton front, fronçant les sourcils. Tu n'avais pas envie d'y penser maintenant, tu avais tenu le coup jusqu'à aujourd'hui, écartant ce stress permanent afin d'y être confronté le jour même, autant continuer de ce côté-là pour profiter de l'instant présent.
Et ce dernier te conduisait près de l'entrée de l'académie, où des tas de personnes attendaient encore. Demi tour, tu n'avais pas envie d'affronter la foule. Ton pouvoir t'avait affaibli comme d'habitude, il serait donc judicieux que tu ailles manger quelque chose sans trop tarder, histoire de ne pas être malade toute la journée. Tu déambulas dans les couloirs de Calion, sans avoir de direction en tête, tu t'éloignas le plus possible du bruit. Une femme s'approcha de toi, te tendit quelque chose avec un sourire bienveillant. Tu reconnaîtrais ses vêtements entre mille, une jolie natte blonde pendant dans son dos, des mains entretenues et parfaitement propres, une tenue de cuir noir près du corps, et deux yeux de couleur différente. Un sourire illumina ton visage, les crispations s'en allèrent doucement, tu te sentais apaisé en quelque sorte. « Votre Mère s'inquiète pour vous, il serait malvenu d'être blessé, ou de vous perdre. » Tu secouas la tête gentiment, avec une faible moue. « Je ne me perds pas vraiment, comment cela pourrait-il arriver ? Je connais Calion comme ma poche à présent. » Ta main toucha le mur adjacent, et un regard, non pas complètement triste, mais mélancolique se glissa dans tes iris. « J'ai l'impression d'être encore loin de la vraie liberté, mais je la touche un petit peu, et cela me comble énormément. »
La jeune femme posa une main sur ton épaule, avant de te tendre à nouveau une boîte de laquelle s'échappait une odeur que tu connaissais parfaitement. « Votre Mère vous connaît vraiment bien. Vous devriez passer la voir à votre retour de Calion, avant que la rentrée ne démarre. Vous lui manquez. » Tu attrapas donc la boîte de tes doigts libres, les autres tenant avec fermeté le tome que cette maman attentionnée t'avait offert pour te protéger. Un signe de remerciement de la tête suffit à la jeune femme qui continua sa route, avant de disparaître dans une intersection. Tu aimais beaucoup Momo, pour sa tendresse envers toi, mais aussi l'immense respect qu'elle avait pour ta Mère. Après tout, elle n'était pas sa vassale pour rien. Toutes les deux étaient comme des sœurs, et si Momo n'avait pas été aux côtés de ta mère, certainement que cette dernière se serait laissée aller face aux menaces et manigances de l'Epouse de l'Empereur. Un frisson désagréable parcourut ton échine. Tu ne voulais pas penser à cette période, le passé devait rester derrière toi, aujourd'hui, tu avançais sur un chemin en construction.
Dans une grande cour intérieure à Calion, tu posas tes fesses sur un banc. Quelques personnes passaient çà et là pour visiter, les gardes faisaient leur ronde habituelle et certains te saluaient même, parce que, habitué à ta présence. Tu appréciais de savoir que l'académie avait des curieux, mais tu te permettais de te réjouir encore plus du calme avant la tempête des prochains mois. Tu déposas ton grimoire à côté de toi, pour ouvrir la boîte métallique que Momo t'avait donné. Quelques gâteaux étaient empilés, leur douce odeur vint te chatouiller le nez, un petit mot avait été glissé sur le côté ; tu t'empressas de déplier le bout de papier : « Je suis fière de vous, mon fils. Vous devez sûrement avoir besoin d'énergie après cette performance, j'ai préparé ces biscuits pour vous. PS. Vous avez ébahi votre Père. » Un petit rire s'échappa de tes lèvres, en imaginant le petit rictus de ta mère en écrivant ces derniers mots. Elle n'aimait pas s'afficher, ou se mettre en avant comme l'épouse de ton père, mais tu la connaissais suffisamment bien pour savoir qu'elle observait toutes les réactions de l'empereur quand il s'agissait de toi, de près ou de loin.
Une douce brise se leva, et ton regard se porta sur les arbres de la cour. Leur mouvement libre te rendait jaloux, la nature était quelque chose de magnifique. Perdu dans tes pensées, tu ne faisais plus attention aux personnes qui allaient et venaient dans l'académie, tu étais simplement positionné dans une quiétude incroyable. Lentement mais sûrement, tu mangeas un biscuit que ta mère t'avait préparé. Un de tes préférés. Tu irais la remercier toi-même à ton retour, ou si tu le pouvais, une fois les examens terminés. Dans tous les cas, tu pouvais te reposer tranquillement, tu avais été le premier candidat à passer, mais aussi le premier élève officiel de Calion. En soi, tu éprouvais une grande fierté, mais tu n'étais pas assez confiant pour le dire à qui que ce soit, ou pour le crier sur tous les toits.
Halloween